CAMARON DE LA ISLA

CAMARON DE LA ISLA
CAMARON DE LA ISLA

CAMARÓN DE LA ISLA (José Monge CRUZ, dit) 1950-1992

«Plus qu’un révolutionnaire, je le vois comme un créateur et un rénovateur de la musique et des formes du flamenco. Son disque La Légende du temps est pour moi un des joyaux de la discographie flamenca de cette seconde moitié du siècle», écrivait Antonio Morciano à la mort du célèbre cantaor, dont le véritable nom était José Monge Cruz.

Il était né calle del Carmen, à Isla de San Fernando, dans la province de Cadix, le 5 décembre 1950, d’une famille gitane originaire de Jerez depuis 1693. Ses parents chantaient: le père se produisait dans des seguiriyas qui donnaient le frisson, la voix de la mère pouvait, disait-on, se convertir en création. De bonne heure, il joue de la guitare et accompagne des amis comme Capinetti ou Miguel Perez. À huit ans, à la Venta Vargas, il entend Manolo Caracol et la Niña de los Peines, et, dans d’autres endroits, Aurelio Sellé, Manolo Vargas, Pericon ou Flecha. Et il chante déjà avec son camarade «Rancapino» dans les autobus ou les trains qui les mènent à San Fernando, à Chiclana ou à Jerez; ils sont assez connus des receveurs pour qu’on ne réclame d’eux que de chanter. C’est alors qu’un de ses oncles, pour se moquer affectueusement de son teint pâle, lui dit qu’il a l’air d’un camarón de la isla (une crevette de l’île). Il gardera désormais ce surnom, qui lui plaisait. Il avait rêvé d’être torero, mais il trouvait le même risque dans la vocation musicale: «Le chanteur est comme le torero, disait-il. Lui seul sait ce qu’il sent.» Il entame bientôt sa trajectoire personnelle dans les troupes de Miguel de los Reyes, Dolores Vargas et quelques autres. À dix-huit ans, il enregistre son premier disque avec Paco de Lucia, le guitariste qui le conduira à modifier son style, et, trois ans plus tard, obtient, au concours de Mairena del Alcor, le premier prix Antonio-Mairena, un des plus grands noms du cante jondo.

En 1975, on lui confie la chaire de flamencologie à Jerez de la Frontera et il obtient le prix national de chant. Marié en 1976 à Dolores Montoya Jimenez, avec pour témoins son frère et la danseuse Manuela Carrasco, il se fixe à Madrid pour son travail ou à Linea de la Concepción, ville natale de sa femme. Et les voyages succèdent aux voyages, dans divers pays d’Europe ou d’outre-Atlantique.

En 1980, il obtient le cote suprême dans l’art flamenco et tous les grands festivals sollicitent sa présence. En 1985, il reçoit le trophée Lucas-Lopez du groupe flamenco El Taranto d’Almería. En janvier, mars et juin 1988, il se produit à Paris, au cirque d’Hiver, dans trois spectacles qu’on a pu sous-titrer des «Concerts grand-messes», tant il subjugue son auditoire par une grâce, une élégance, le duende cher à Lorca, qui confère à son chant une atmosphère spirituelle que quinze mille spectateurs retrouveront, quelques mois plus tard, au palais des Sports de Madrid.

Les premières atteintes de la maladie commencent à se manifester au moment où il enregistre Soy gitano , qui allait devenir le disque le plus vendu de l’histoire du flamenco. Vivant, comme on l’a dit, à tombeau ouvert, il ne put mettre un frein aux excès qui allaient ruiner ses forces et c’est à quarante et un ans, le 9 juillet 1992, qu’un cancer du poumon devait l’emporter après un ultime triomphe au festival de jazz de Montreux, en Suisse, et alors qu’il gravait son dernier disque, Potro de rabia y miel . À ses débuts, le flamenco en était au temps de l’orthodoxie et du classicisme conforme à la survivance des apports anciens, plain-chant grégorien, mélodies arabes ou musique juive, plus ou moins teintés, depuis quatre siècles, des inflexions propres aux Gitans. Son mérite est d’en avoir amorcé une nouvelle époque en accusant son caractère de sorcellerie incantatoire dans un style qui pourrait être la rencontre de la magie propre au chant des Gitans et de la musicalité de ceux qui ne le sont pas. Son métal vocal lui-même était d’une qualité exceptionnelle, rutilant et véhément dans la révolte, exaspéré dans la douleur ou le repentir, doux et tendre dans l’expression intime. Au point d’avoir, par sa conception personnelle du chant, élargi l’audience du flamenco jusqu’aux fans du rock et démontré que cette évolution naturelle sous-entend une symbiose avec les courants et les problèmes de sa génération. Son disque La Légende du temps , sur un texte de Lorca, en pouvait être l’épigraphe, en symbolisant, dans le flamenco, le témoin d’un art préhistorique dont l’avenir se trouve «dans les clartés célestes ascendantes».

Encyclopédie Universelle. 2012.

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